Expertise fractographique de casses de bouteilles champenoises

L’analyse fractographique est un outil puissant pour aider à comprendre les causes de défaillances de casse. On peut reconstituer entièrement un objet cassé à partir des débris et l’analyser. La répartition des fractures, les indices présents sur leurs surfaces permettent la collecte d’une somme d’indices et d’informations dont on peut déduire à la fois l’ordre de grandeur de la contrainte locale à la rupture et l’origine des dégradations des surfaces et autres concentrateurs de contrainte.

Contexte

La défaillance a été constatée sur des palettes de vin effervescent stockées dans un hangar. Des bouteilles ont cassé spontanément dans les cartons, environ 10 % des cartons sont concernés. Les bouteilles champenoises allégées de 75 cl proviennent de deux lots verriers consécutifs. Aucun problème n’a été constaté au cours du processus champenois (tirage, prise de mousse, dégorgement, habillage).

Analyse fractographique

L’étude est réalisée sur un échantillonnage de 10 cartons comportant des bouteilles cassées et provenant de plusieurs palettes.

Une première phase d’observation permet de relever la disposition des bouteilles, cassées et intactes, dans le carton. Toutes les bouteilles cassées sont localisées aux mêmes emplacements dans les cartons : emplacements référencés 1 et/ou 2 (Figure 1). Certains cartons comportent deux bouteilles cassées, d’autres une seule, localisée soit en position 1, soit en position 2 (Figure 2). Certaines bouteilles sont cassées en deux moitiés selon l’axe vertical, d’autres bouteilles sont brisées en de nombreux morceaux.

Position des bouteilles dans les cartons
Figure 1
Exemple d'un carton de bouteilles cassées (deuxième rang de bouteilles enlevé)
Figure 2

Chaque bouteille cassée est reconstituée puis examinée selon un schéma méthodique et rigoureux :

  • Les faciès des surfaces de fracture permettent de localiser les lieux d’origine des fractures sur la face externe en partie basse de l’épaule (Figure 3).
  • L’examen par microscope optique de la surface des bouteilles et des fractures à proximité des lieux d’origine permet d’identifier le concentrateur de contrainte : ce sont des blessures mécaniques de contact avec des abrasions et des fissures en cône de Hertz (Figure 4, Figure 5).
  • L’étude se poursuit par la caractérisation de la nature des blessures de surface au lieu d’origine de la fracture par MEB-EDS (microscope électronique à balayage avec spectromètre de rayons X dispersif en énergie). Aucun dépôt métallique n’a été observé. Des résidus de matière associés aux abrasions sont de la même composition chimique que le verre des bouteilles.
Bouteilles reconstituées ; zones encerclées : lieux d'origines des fractures
Figure 3
Blessure mécanique de contact au lieu d'origine de la fracture. Flèches : fissures en cône de Hertz
Figure 4
Surface de fracture. Flèche : zone de contact. Ligne en pointillé : étendue des fissures en cône de Hertz
Figure 5

Exploitation des résultats, premier niveau

Les fractures se sont produites par suite de la conjonction des deux éléments suivants :

  • la contrainte de traction tangentielle liée à la pression interne dans les bouteilles,
  • les blessures de contact qui ont fragilisé la paroi des bouteilles et concentré la contrainte liée à la pression interne.

Le faciès des blessures de contact et la chimie des résidus de matière associés montrent que ces blessures ont été générées par un contact verre sur verre.

Aucune casse n’ayant été constatée lors de la prise de mousse, les blessures de contact se sont probablement produites postérieurement. En effet, les pressions internes sont a priori plus élevées lors de la prise de mousse qu’après habillage.

Analyses complémentaires

La localisation et le faciès des blessures nous conduit à prendre en compte la localisation des bouteilles dans les cartons. Nous avons vu plus haut que les bouteilles cassées sont toutes localisées dans une zone particulière des cartons. Toutes les bouteilles entières sont examinées : celles qui sont localisées en position 1 ou 2 présentent les mêmes blessures que celles observées sur les bouteilles cassées. Les bouteilles des autres positions ne présentent pas de blessures.

Les fissures en cônes de Hertz sont à droite de la blessure pour les bouteilles placées en position 2 et à gauche pour les bouteilles placées en position 1.

L’examen de deux bouteilles contiguës montre que les faciès des blessures sont superposables si les bouteilles sont placées tête-bêche comme dans le carton (Figure 6 à Figure 8).

Bouteille en position 1 cliché MEB
Figure 6
Bouteille en position 2 cliché MEB
Figure 7
Superposition des blessures de contact des 2 bouteilles contigues cliché MEB
Figure 8

Exploitation des résultats, deuxième niveau et conclusion

On peut conclure de l’ensemble des analyses que les blessures se sont produites lors d’un contact entre les deux bouteilles contiguës en position 1 et 2. Un impact s’est produit lors de l’introduction de la deuxième bouteille dans le carton suite à un dérèglement du robot de conditionnement.

Les blessures n’ont pas entraîné une casse immédiate des bouteilles. Les fissures en cône de Hertz ont pu s’étendre petit à petit au cours du temps jusqu’à atteindre une taille critique. Des variations de température, ou une élévation du taux d’humidité ont pu être des éléments favorisant l’extension des fissures.

Les bouteilles se sont fendues en deux verticalement car la contrainte de traction tangentielle générée par la pression interne est deux fois plus grande que la contrainte axiale.

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